On en parle depuis peu comme d'une alternative à la farine de blé dont les cours ont pris l'ascenseur depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Alors, d'aucuns ont décidé de voir concrètement de quoi il retourne. Beignets, croissants, crêpes, biscuits… Tout y passe ! Les équipes de L'Union ont essayé.
C'est un moelleux au chocolat qui se mijote. Œufs, chocolat, beurre, levure chimique sont disposés sur la table du chef O'miel Moundounga. Dans un coin, la star de ces derniers temps : la farine de manioc en package de 300 g. Mais, on aura besoin de moins pour la recette du jour. Place à la préparation. D'abord faire fondre beurre et chocolat agrémentés d'une pincée de sel et d'un doigt de rhum de 15 ans d'âge dans une marmite en inox… Ensuite on casse les œufs dans un cul-de-poule en séparant les blancs des jaunes. Alors que les blancs sont mis au frais pour plus tard, les jaunes sont mélangés avec du sucre de 120 g… "Il ne faut pas abuser de sucre, le chocolat étant déjà sucré". Et voilà le tour de la star, la fameuse farine de manioc, d'être incorporée au mélange. À l'œil, rien de blanc. Elle est plutôt couleur cacao. Pas d'odeur caractéristique, non plus. "Elle est aussi légère", souligne le chef.
Après avoir ajouté de la levure chimique à la farine de manioc, le chef incorpore ensuite le tout dans le mélange jaune d'œufs et sucre. Premier constat : pas de grumeaux. Le mélange obtenu est versé dans le chocolat et… le moelleux peut suivre le cours de sa préparation alors que le chef commente ses projets : avoir sa propre plantation de tubercules pour contrôler sa farine de manioc. Mais, il faut remonter aux origines de ce qui se concrétise aujourd'hui.
Parce que tout ceci n'a rien d'un heureux hasard. Le chef O'miel profite du contexte qui place au-devant de la scène la farine de manioc pour lui aussi mettre en lumière les merveilles de tout ce qu'il a découvert sur la farine de manioc. C'est en 2017 que tout a commencé. Le chef O'miel avait été contacté par l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) pour un renforcement des capacités des mamans du parc de Louango. Il était question de leur apprendre à revisiter les plats et produits de leur région pour booster le tourisme communautaire. Lui en a profité pour découvrir les secrets culinaires et les recettes traditionnelles du Gabon, détenus par les grands-mères.
Au sortir de cette formation, les mamans vont lui partager leur recette des beignets de manioc. O'miel, en bon critique culinaire, va les trouver trop gras, bourratifs avec une odeur de vieillissement assez forte. C'est ici qu'il leur promet de revisiter la recette afin d'en réduire certains éléments de dépréciation comme l’odeur, le cholestérol. Voilà l'histoire de la naissance du beignet de manioc made by chef O'miel actuellement en promotion dans les grandes surfaces de la capitale. Pour honorer le village originaire du produit et rendre un vibrant hommage à ces femmes qui l'ont finalement accompagné sur ce projet, O'miel a appelé son œuvre ''Beignet de Sette-Cama''.
Quel lien avec la farine de manioc, nous demanderez-vous ? Dans l’optique de rester fidèle à sa vision du zéro déchet qu'il défend avec hargne par ailleurs, il était question pour O'miel Moundounga de trouver quoi faire des épluchures de manioc et de tous les résidus de ce tubercule. D'où une réflexion qui a abouti à cette farine. Il lui aura fallu plusieurs mois de test pour arriver à dénicher sa finesse, comprendre comment extraire le cyanure y contenu pour une farine propre à la consommation. Il ne lui restait qu'à la reconstituer avant le passage au moulin. Désormais, la farine de manioc est l'ingrédient de base du Restaurant Le Chef O'miel avec quoi il confectionne biscuits, crêpes, viennoiseries…
Line R. ALOMO
Libreville/Gabon