Dans cet entretien exclusif, la ministre de l’Emploi, de la Fonction publique, du Travail et de la Formation professionnelle, chargée du Dialogue social, Madeleine Berre, aborde l’évolution de l’ensemble des réformes. Elle passe au crible les mécanismes d’aboutissement, les blocages, les discussions avec les partenaires sociaux, les perspectives à court terme et la démarche impulsée pour être en conformité avec l’obligation de résultat.
L'Union. Madame le ministre, depuis l’année dernière, le portefeuille ministériel dont vous avez la charge est au centre de plusieurs réformes. Pouvez-vous nous faire un point sur celles menées jusqu’alors ?
Madeleine Berre : Notre département ministériel a initié de grandes réformes, parmi lesquelles celle de la Fonction publique, en vue de sa performance et sa dynamisation, celle du Code du travail en vue de sa modernisation pour augmenter les emplois et, enfin, celle de la Formation professionnelle. Les réformes au sein de la Fonction publique ont été initiées sur la base de deux axes : un axe quantitatif et qualitatif sur les ressources humaines émargeant au budget de l’État. Cet axe a été concrétisé par l’opération de recensement biométrique ; et un axe de concertation avec les partenaires sociaux, et leur participation aux enjeux de la réforme de la Fonction publique. Cet axe a été matérialisé par le dialogue social et, particulièrement, le forum de la Fonction publique.
Quel sens donnez-vous à l’opération de recensement biométrique des agents publics, qui est aujourd’hui à sa seconde phase ?
Le ministère a, en effet, entamé, en 2019, une opération de recensement biométrique sur l’ensemble du territoire national. Cette opération avait pour objectif essentiel, non seulement de procéder à la vérification effective des agents payés par le budget de l’État, mais également de recenser les données qualitatives de chaque agent public, dans le but d’avoir une cartographie des agents par catégorie, par département, afin de disposer d’une base de données fiables, capables de permettre au gouvernement de lancer des actions pour une fonction publique performante. La particularité de cette opération réside dans l’approche qualitative qui a été retenue. Cette opération a permis de recueillir les premiers résultats intermédiaires, qui ont été présentés au chef de l’État, révélant un total de 11 638 agents publics non recensés. Nous avons une situation liminaire des agents qui se sont présentés au recensement et, dans le but d’aboutir à des résultats définitifs...
…Pourquoi avoir alors arrêté cette opération ? Et que visez-vous franchement ?
Cette opération a été freinée en raison de la crise sanitaire que traverse notre pays depuis le mois de mars 2020. Son déploiement est aujourd’hui effectif et devrait permettre d’aboutir, à la fin du mois en cours, à des résultats définitifs. Le Gouvernement pourra ainsi disposer d’une base de données fiables sur son capital humain. La finalisation de cette opération de recensement est une étape nécessaire, utile et indispensable pour faire l’état des lieux de nos ressources humaines, et d’envisager les actions en vue de l’amélioration de sa gestion. L’ensemble des partenaires sociaux ont été régulièrement informés du déploiement de la première phase, des résultats intermédiaires et, enfin, du déploiement de la seconde phase, afin qu’ils puissent relayer l’information à leurs bases.
Mme le ministre, où en êtes-vous avec la réforme de la Fonction publique ?
La réforme de la Fonction publique a été, elle aussi, initiée sous l’angle de la concertation et de la participation, dans le souci de privilégier le dialogue social et d’être à l’écoute des partenaires sociaux. Cette étape de concertation et de consultation a donc démarré avec le forum de la Fonction publique, les 8, 9 et 10 janvier 2020. Ce forum, qui a vu la participation de l’ensemble des confédérations et syndicats de l’administration, avec plus de 800 participants, a abouti à 144 recommandations pertinentes qui serviront de base à la rédaction des textes législatifs et réglementaires, qui matérialiseront la refonte totale de la Fonction publique. L’objectif de ce forum n’a jamais été d’en faire une tribune revendicative des régularisations des situations administratives. La crise sanitaire qui a impacté notre pays a, hélas, freiné la poursuite de ces travaux qui reprennent le 3 juin.
À quand l’application de ces décisions prises d’un commun accord ?
Il y a lieu de relever qu’il s’agit bien de recommandations, et non de résolutions. Sur le point relatif au recensement, je crois que tout est dit. Sur le point particulier des régularisations des situations administratives, nous avons échangé, de façon constructive, avec les partenaires sociaux, sur une démarche progressive, avec une réflexion à mener sur un calendrier tenant compte des disponibilités budgétaires de l’État, mais également sur une méthodologie axée sur les principes d’équité et de justice. Précisons, par ailleurs, que l’évaluation du coût de l’ensemble des régularisations, incluant les recrutements des pré-salariés de toutes les administrations, les recrutements des diplômés des écoles nationales, les reclassements après stage, les avancements automatiques est de l’ordre de plus de 200 milliards de francs CFA. En 2019, une première étape de régularisations a été réalisée sur les secteurs de la Santé, de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de l’administration pénitentiaire. Nous tenons à résoudre progressivement la problématique des régularisations, tout en indiquant aux partenaires sociaux la nécessité de fixer un cadre de poursuite de ce plan de régularisations sur les années à venir. C’est d’ailleurs dans le cadre de la commission y relative que les membres doivent échanger, dans un esprit de concertation constructive et transparente, sur ces enjeux de régularisations. Nous ne pouvons alors que nous étonner de la nouvelle posture adoptée par certains partenaires sociaux.
Vous avez également décidé d’engager la sensible réforme du Code du travail. Quelle est l’évolution du dossier après les travaux de concertation tripartite de février dernier ?
Les conclusions de la concertation tripartite ont été adressées, dès le 12 février dernier, au Bureau international du travail (BIT), pour avis. Nous restons, à ce jour, dans l’attente du retour et, dès réception, nous organiserons à nouveau une consultation, avant la mise en circuit de la loi pour son adoption par le Parlement. Il ressort des derniers retours que nous avons eus de la Représentante régionale du BIT, que les experts ont souhaité un délai supplémentaire de deux semaines. Les travaux devraient donc reprendre prochainement.
Que fait votre département ministériel pour redynamiser la formation professionnelle, un des leviers des réformes envisagées dans la réduction du taux de chômage des jeunes ?
Nous avons entamé, dès le mois de juillet 2019, une réflexion approfondie avec l’ensemble des acteurs publics et privés, afin de valider l’adéquation entre l’offre de formation et le marché de l’emploi, et ce, sur l’ensemble de l’offre de formation disponible et celle en phase de construction. Nous avons consolidé tous les projets de réhabilitation des centres de formation professionnelle et des lycées techniques, ainsi que les 5 projets en construction, objet des financements extérieurs de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement et de la China Eximbank. Afin de nous assurer de la corrélation effective de l’offre de formation aux besoins du marché de l’emploi, nous avons sollicité du secteur privé, la description des profils des métiers nécessaires à leur productivité, l’expression de leurs recrutements, tout en leur demandant de s’associer à la gouvernance de ces établissements. Nous nous efforçons d’assurer la rentrée académique 2 020/2 021 de deux centres de formation professionnelle. Celui d’Akanda, don de sa Majesté le Roi Mohammed VI, et le centre multisectoriel de Nkok.
Propos recueillis par Jonas Ossombey & Issa Ibrahim
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