FINI les grands sermons sur la richesse qui pervertirait l'homme ? L'Église de l'Alliance chrétienne et missionnaire du Gabon se lance officiellement dans des activités génératrices de revenus. Principalement le transport pour sa communauté. Serait-ce du business pour du profit ? Pourquoi le transport, un secteur si aléatoire ? Mieux, l'humanitaire qui caractérise l'Église y sera-t-il visible et agissant ? Parcours !
LES Chrétiens, dans leurs plus beaux atours, sont venus nombreux cet après-midi du 16 juillet 2022 à Sibang III, à l'Église de l'Alliance chrétienne et missionnaire du Gabon (EACMG). C’est jour d’inauguration de "Elohim Transport". Une agence qui va desservir Libreville, Mouila et Lebamba. Le révérend André Philibert Binet, président national de cette congrégation religieuse, vient de terminer son discours, chaleureusement applaudi par les fidèles. C'est le moment fatidique. Le bus tout neuf, estampillé Elohim Transport arrive sur l'esplanade. C’est un véhicule de marque Toyota de type Coaster de 30 places. Onction d'huile sur les pneus et les sièges. Petite prière à Dieu qui a rendu possible cette œuvre. Voilà le bus d’Elohim Transport prêt au business. Il embarque ses premiers passagers. Direction : l'agence située de l'autre côté de la voie. Le véhicule de transport en commun roule bien. La climatisation répond, le confort est au rendez-vous. Ce petit tour atteste aussi que l’on est sur du concret.
À l'agence, découverte de la plaque, même rituel que tout à l'heure avec l'huile d'onction dont la bouteille se casse, comme pour répandre sa bénédiction. Le révérend Binet, premier client, paie de sa poche son billet de transport. Cette fois c'est officiel, Elohim Transport est ouvert au public. Son premier départ inaugural est prévu pour le lendemain. Désormais, l'église est officiellement lancée dans le business ! Ou pas si vite… Elle élargit plutôt son champ d'activité, nuance le révérend Binet. Car ce qu'il faut savoir est que l'EACMG a sous sa gestion, des établissements primaires et secondaires, un hôpital, celui de Bongolo. Des structures qui, à l'époque, étaient subventionnées par l'État et les partenaires américains. Aujourd'hui, avec les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics à financer ces œuvres, il faut trouver des ressources additionnelles au risque de courir vers leur fermeture, explique-t-il. De même, l'action évangélique nécessite des moyens. " Les dîmes et les offrandes ne suffisent plus pour y répondre." D'où de nombreux investissements pour répondre promptement aux diverses sollicitations des œuvres de l'Église. Aussi l'EACMG a-t-elle communiqué à ses fidèles cette nouvelle vision et fait des appels à contribution.
Les résultats sont là : 4 bus qui feront la desserte Libreville-Mouila-Lebamba. Le premier voyage a été effectué samedi dernier sous les yeux des fidèles. " Avoir modestement contribué, voir le projet réalisé, voir le bus rouler aussi est surtout très motivant pour le fidèle de l'Église que je suis. Ça m'invite à faire davantage ", témoigne une Chrétienne. Pourquoi le choix des transports, un secteur aux aléas divers ? La vision est large, clame-t-on à l'EACMG. La hiérarchie de cette Église de l'Alliance chrétienne ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Là-bas, elle a donc la prétention de perdurer et même d'étendre ses tentacules. " Ce qui commence si petit doit devenir très grand demain'', se projette-t-on. Soit ! Mais quand on est une Église et qu'on se lance dans le business, comment faire la différence avec ses "concurrents'' ? Va-t-on tirer les prix vers le bas ? Ou l'accent sera-t-il mis sur l'accueil ? À l'EACMG, on n'affectionne pas le terme business. ''Il y a derrière une idée de profit qui colle mal au social dans lequel œuvre l'Église. Pourquoi l'on vient des quatre coins du Gabon pour se soigner à Bongolo par exemple ? Parce que l'hôpital met en avant le côté social, humain de la santé ", soupire le pasteur Binet. Quoi qu'il en soit, au-delà de l'aspect financier, ''l'aspect spirituel, l'accueil, la qualité du service seront mis en avant dans l'activité pour que les usagers soient heureux de voyager chez nous ". Mais Elohim Transport entend faire dans les équilibres en s'alignant sur les prix déjà pratiqués dans le secteur.
Line R. ALOMO
Libreville/Gabon