UNE grosse spéculation foncière dans les zones humides de Libreville, la capitale, fait craindre des risques de dévastation de cet écosystème aquatique. Aussi les environnementalistes et autres organisations non gouvernementales restaurent-ils ce qui peut et doit l'être pour rendre à la nature ce dont elle a été délestée.
IL est midi lorsque la quinzaine de membres de l'ONG Plurmea, spécialisée dans la protection des mangroves, arrive à Mamboumba, village situé entre la baie de la Mondah et la zone tampon du parc national d'Akanda, au nord de Libreville. Mamboumba est un petit village ou, plutôt, une petite île protégée des atteintes de la mer par une barrière de palétuviers. Une mangrove qui, hélas, est en train de disparaître sous l’action destructrice de l’homme.
Aujourd'hui, il est question pour Plurmea de reboiser la bande de sable dégarnie qui sépare le petit village de l'océan Atlantique. Et il faut faire vite car, la marée pourrait grimper d'un moment à l'autre. Mais avant, un suivi-évaluation de la dernière action de reboisement de l'ONG sur les lieux s'impose. ''La dernière fois, nous avions planté 36 propagules. Nous faisions une sorte de test sur le sable. Jusqu'ici nous n'avons reboisé que sur la vase. Et là voir une pousse qui nous conforte sur le fait que les mangroves peuvent effectivement pousser sur du sable'', relate Landry Lignabou, président de l'ONG Plurmea.
Place à l'activité du jour : le reboisement de la baie. En premier, chercher et trouver des propagules. Ce sont de jeunes plants de palétuviers qui poussent sous une plante mère. Et il faut aller sur le continent et s’enfoncer dans la forêt. Après une recherche de quelques minutes, on en trouve enfin à foison sous les échasses des mangroves. Les membres en arrachent un bon stock. Mais il ne faut pas s’attarder. On garde à l'esprit que l'on joue avec la marée.
Retour au village… ou du moins au bord de l’océan.
Début du planting. À mains nues, avec des gants ou à l’aide d’une machette, la quinzaine de jeunes de Plurmea creuse la vase et enfonce profondément les propagules selon un certain espacement. Au bout de l'effort, ce sont 150 propagules qui seront mises en ''terre'' par les jeunes ce jour-là. Si c'est suffisant pour la journée, l'action n'est pas pour autant terminée. Il faut désormais faire un suivi et surtout une évaluation de l'activité. ''Il est prévu de revenir dans la baie dans un mois pour voir comment évoluent les plants'', renseigne le président.
En fait l'ONG Plurmea a développé une expertise en reboisement des mangroves et met un point d'honneur à replanter les espaces déforestés au frais, bien entendu, de ceux qui les dévastent. Le tout avec l'appui du ministère des Eaux et Forêts.
Car, pour M. Lignabou, il est question de protéger les mangroves de la spéculation foncière. ''Les environnementalistes ont peur pour le devenir des mangroves du fait de toutes ces personnes qui achètent les terrains en zone de mangroves sans tenir compte des prescriptions environnementales en matière de gestion des milieux.'' Pour l'ONG Plurmea, la protection des mangroves passe par la sensibilisation dans la presse et le reboisement des espaces dégradés et surtout, l’éducation environnementale.
Tant, estime-t-on à Plurmea, il est primordial de la préserver au nom des services qu’elle offre à l'homme. ''C’est un écosystème qui renferme la biodiversité naturelle et aquatique. C’est le lieu de reproduction par excellence des poissons. Elle permet aussi de casser les courants de marée, de briser les courants violents. Elle sert de barrière naturelle pour mettre à l’abri les populations du littoral. Elle permet de piéger le carbone via ses racines en forme d’échasses pour réguler le climat…'' énumère pour sa part Toutou Makanga, secrétaire général (SG) de Plurmea.
Line R. ALOMO
Libreville/Gabon