À 50 ans, il représente assurément la version locale de Milton Mbele, ce Sud-Africain qui épousa en 2015, 4 femmes en un seul jour. Comme lui, Mesmin Abessole, Gabonais à cheval entre les provinces du Woleu-Ntem et de l'Estuaire, a bravé, le week-end dernier, le qu’en-dira-t-on en convolant en justes noces avec autant de demoiselles fang du Grand Nord. Même si l'une d'elles, de par l'un de ses parents, a des origines gisir (sud). Un événement inédit à l'échelle nationale qui a enflammé la Toile. Entre ceux qui estiment que ces femmes sont " envoûtées " par leur époux de tradipraticien, ceux qui fantasment sur ce à quoi a ressemblé la nuit de noces à 5 – l'homme ayant déjà contracté un premier mariage – et ceux qui continuent de s'interroger sur la gestion quotidienne de ce ménage atypique. L'Union a voulu couper court en allant chercher les réponses auprès du bwitiste-guérisseur et de ses épouses.
DANS sa concession d'Ondogho où nous posons les pieds ce mardi après-midi, c'est l'une de ses épouses qui nous accueille chaleureusement, avant de nous diriger vers son époux. Lui, est en train de terminer un entretien avec quelques membres de sa famille, à l'entrée de son bureau. Et c'est un homme plutôt ordinaire qui s'offre à notre regard : 1 mètre 70 tout au plus, environ 100 kilogrammes, un ventre à l'embonpoint incontestable.
Décontracté, Mesmin Abessole arbore une chemise manches courtes, un pantalon jet blanc et des babouches aux pieds. D'un geste de la main gauche dont l'auriculaire est paré d'une bague scintillante, il nous fait signe d'entrer dans son bureau. Une pièce d'environ 20 mètres carrés dans laquelle sont soigneusement rangées les commodités de la conversation. Un drapeau frappé aux couleurs nationales occupe l'angle gauche du bureau. Sur l'un des murs, le récépissé de l'association Boanergès dont il est le responsable. " C'est ce document qui me couvre dans ma science et qui atteste de ce que j'exerce comme activité. Et c'est ici que je reçois les malades ", explique M. Abessole. Ce frigoriste de formation ne fait pas mystère de sa personne. " Je me suis fait initier juste pour des recherches. C'est dans ce cadre-là que j'ai acquis le don de guérison (…) Je suis un bwitiste-guérisseur. À travers ce don-là, j'ai guéri plusieurs personnes. Voilà pourquoi, en faisant ce grand travail, il me fallait plus de 2 femmes. Me marier à 4 nouvelles épouses n'est donc pas un luxe pour moi. Je n'ai fait que les honorer d'autant qu'elles ont fait plus de 10 ans avec moi. Certaines personnes vont dire qu'il voulait le succès ou la gloire, non. Je ne cherche pas la gloire de l'homme".
Soit ! Mais comment ce choix a-t-il été accueilli par les familles ?
"J'ai d'abord passé des moments de perturbation avec ma mère. Beaucoup savent ce que j'ai subi avec elle et mes frères à cause de mon élévation spirituelle. Toutes mes épouses et moi avons été traînés au sol. J'ai fait de la prison juste parce que je suis nganga, et donc un malpropre, alors que je suis un homme honorable. Je gère plusieurs familles, et toutes mes belles-familles m'ont accompagné dans cet événement. Toutes y ont participé de près ou de loin, financièrement comme moralement".
M. Abessole, on raconte que vous avez envoûté vos femmes…
"À ceux qui le disent, je leur répondrai, comme aimait à le dire le défunt président Omar Bongo Ondimba : le chien aboie, la caravane passe. Ce sont des femmes, elles sont jeunes, je suis jeune, on s'est aimés et on a accepté d'aller au bout. Comme le veut la tradition ou la nature, si tu es musicien, tu trouves les femmes dans les coins de musique. Si tu es pasteur, tu dois épouser à l'église. Si tu es journaliste, tu peux épouser une journaliste, etc. Et donc si je suis nganga, c'est dans ma science que je trouve les femmes qui correspondent à ce que je fais". Christelle, Madeleine, Prisca, Nicole et Carène Abessole, soutien de leur époux, "sont même plus unies que des sœurs. Elles ont une seule cuisine, deux congélateurs. Elles mangent ensemble. Elles ont chacune des jours de cuisine et de nuit. Celle qui prépare à manger le fait pour tout le monde. Il n'y a pas à dire que tel fait sa marmite comme on le voit ailleurs. Toutes vivent dans la même maison" principale où chaque femme dispose tout de même de sa chambre. Au sujet de la nuit de noces, "on s'est entendu à l'organiser à raison d'un week-end par femme. Mais pour ce qui est de la nuit après le mariage, je l'ai passée avec la première des 4". En outre, n'allez surtout pas penser que le polygame s'est offert une nouvelle bague de mariage pour l'occasion. C'est la même que Christelle, sa première épouse, lui passa au doigt il y a une décennie. "Ma bague n'a pas de nom de femme. Mes épouses ne sont pas dans ça. Elles savent tout juste qu'elles sont mariées. Ça, ce sont des choses éphémères". Mais comment organise-t-on la vie dans un ménage à six, de surcroît avec 32 enfants et petits-fils pour éviter que celle-ci ressemble à un petit enfer terrestre ? À cette question, Mesmin Abessole admet que la crise de l'emploi ne facilite pas les choses. Trois de ses épouses sont ainsi sans activité professionnelle malgré leur formation reçue en esthétique (une) et en secrétariat (deux). "Il y a une qui travaille à la CNSS. La première est chargée de s'occuper de la progéniture quand les autres ne sont pas là. C'est comme ça qu'on s'est organisés. Et ça se passe bien". Ce qui n'empêche pas le tradipraticien d'assumer, sur le plan financier, ses responsabilités. "Je suis un excellent guérisseur. Je vis de ça et j'ai des loyers". Allons à présent regarder à la gestion du devoir conjugal pour comprendre que M. Abessole se définit comme un spiritain. "J'ai un temps où je ne touche pas la femme, parce que je me donne beaucoup à ma science". Mais dans tout ça, quelle est donc la recette de Mesmin Abessole qui fait que ses épouses lui obéissent au doigt et à l'œil, au point de se dire même disposées à accueillir de nouvelles coépouses ?
"J'aime la justice. Aucune de mes femmes n'est au-dessus des autres. Elles sont toutes au même niveau dans mon cœur. Je partage tout équitablement, il n'y a aucun secret entre mes femmes et moi".
Olivier NDEMBI
Libreville/Gabon