Course effrénée vers d'éventuels moyens de transport, proposition hors de proportion aux transporteurs. À l'approche de l'heure du couvre-feu (18 heures), l'urgence chez les usagers du Grand Libreville est de regagner leurs habitations. Quitte à fouler au pied la nécessité de distanciation physique pour trouver une place dans un transport en commun. De reporters de l'Union ont assisté à la grande débandade pré-couvre-feu.
Carrefour-Hassan, vendredi 17 heures. Sandra, en visite chez ses parents, se rappelle qu'il lui faut rentrer chez elle sis au Boulevard-Triomphal. Elle pense disposer d'une bonne heure avant le début du couvre-feu. Alors, au bord de la route elle propose 1 000, puis 1 500, voire 2 000 francs au taximan pour la déposer à son domicile. Mais en vain. A moins d'une heure de l'entrée dans le couvre-feu, aucun chauffeur de taxi ne veut prendre le risque d'aller loin de chez lui. Sa grande préoccupation, c'est éviter les tracasseries des forces de sécurité. Résignée, Sandra n'a d'autre choix que de battre le bitume : ''Il me faudra plus d'une heure et demie pour parcourir la distance Carrefour-Hassan-Boulevard Triomphal.''
Ce sont là les conséquences du couvre-feu institué pour freiner la propagation du Covid-19 et qui fait partie des mesures en vigueur, décidées par les plus hautes autorités. Contrairement aux gestes barrières, particulièrement la distanciation sociale, et autres masques, négligés souvent par certaines personnes, il n'en va pas de même pour le couvre-feu. Lui semble imposer le respect, et chacun s'y plie. Probablement du fait de la présence constante, sur les grandes artères et quelques ruelles du Grand Libreville, des agents des forces de sécurité et de défense. Une présence pour rappeler à chacun que l'ordre régnera par tous les moyens. Effectivement, il règne. La peur du "gendarme" y est pour quelque chose ! Ainsi, de crainte de tomber dans les mailles des agents, les Librevillois, réputés indisciplinés et peu enclins à respecter les consignes du gouvernement, sont obligés de s'empresser de rentrer chez eux dès 16 heures ou 17 heures. Une véritable frénésie gagnant les usagers, l'œil souvent fixé sur la montre. Ils doivent être à la maison avant le début du couvre-feu. Et tout le monde est concerné, du haut fonctionnaire à la vendeuse de tomates à la sauvette des différents carrefours de la capitale.
"À partir de 14 h 30, chacun cherche à rentrer chez lui, parce que dès 16 h 00, il y a déjà une affluence des clients. Mais, c'est surtout à partir de 17 h 00 que chaque taximan, ne voulant pas être dehors après 18 heures (début du couvre-feu, ndlr), cherche à aller garer", explique Théo, chauffeur de taxi.
Ceux qui ne sont pas loin de leurs maisons choisissent la marche. De bons athlètes qui, consciemment ou non, testent leur condition physique. C'est sans doute le cas d'Aristide qui, malheureusement, a vécu récemment des moments difficiles dans sa vie d'adulte. En effet, résidant à quelques encablures de la mairie du 6e arrondissement, cet enseignant garde un mauvais souvenir de sa gestion du temps alors qu'approchait l'heure du couvre-feu. Témérité ou négligence ? Il raconte sa mésaventure : "Récemment, j'étais à Louis jusqu'à 17 h 00, rendre visite à des proches. Il fallait attendre un taxi ou un bus pour rentrer à Nzeng-Ayong. N'ayant pu trouver un moyen de transport, j'ai décidé de regagner à pied mon domicile. Mais en passant par des pistes qui m'ont permis d'atteindre d'abord Mbolo, puis le Boulevard-Triomphal, ensuite le Rond-Point de la Démocratie, et enfin l'échangeur de Nzeng-Ayong. Je vous assure, je ne suis pas prêt à recommencer cette aventure. Plus jamais je serai hors de mon domicile après 14 h 30 pendant toute cette période de couvre-feu".
MIKOLO MIKOLO
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