Impact de la pandémie sur le secteur industriel et des PME, soutien aux entreprises, ouverture des restaurants et hôtels, gestion de la Banque alimentaire… Le ministre en charge du Commerce et de l’Industrie, Hugues Mbadinga Madiya, dresse le bilan des actions entreprises par le gouvernement.
L’Union : Monsieur le ministre, quel a été l’impact de la pandémie de la Covid-19 sur le secteur touristique, industriel et des PME, notamment en termes de pertes d’emplois, de recettes et d’employés mis en chômage technique ?
Hugues Mbadinga Madiya : De manière générale, la pandémie de Covid-19 a durement frappé l’économie mondiale et notre pays n’a pas échappé à cette crise. Les dégâts sont considérables et peuvent se ressentir sur les agrégats macroéconomiques que sur la productivité et l’emploi. Selon les chiffres de la Direction générale de l’économie et de la politique fiscale, l’économie gabonaise devrait entrer en récession cette année. Comme vous le savez, après le diagnostic le 12 mars dernier du premier cas de Covid-19 sur le territoire national, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour lutter contre la propagation de cette pandémie dans notre pays. Certaines de ces mesures, bien que salutaires pour nos compatriotes, ont fortement impacté les activités liées au tourisme et à l’industrie. La crise a plongé également dans une grande vulnérabilité de nombreuses PME et TPE. Le tourisme est le secteur qui a payé le plus lourd tribut de la crise, avec pour conséquences environ 1 000 emplois directs menacés ; 150 000 clients perdus ; la chute de trois quarts du chiffre d’affaires des opérateurs par rapport à l’année 2019 ; plusieurs entreprises menacées de faillite et l’affaiblissement des moyens de subsistance des travailleurs et des fournisseurs.
Durant cette période difficile pour les promoteurs, quelles ont été les actions mises en place par le gouvernement à travers votre département pour les soutenir ?
- Le gouvernement a pris des mesures salutaires d’accompagnement pour essayer de soutenir les promoteurs économiques, y compris ceux de nos différents secteurs d’activité. Parmi ces mesures, l’on pourrait citer celle relative à la mise en place d’une allocation de chômage technique. Celle-ci correspond à 50 et 70 % du salaire brut mensuel de chaque salarié impacté hors primes. Tout comme celle relative à la baisse de 50 % des patentes et de l’impôt synthétique libératoire pour les petits commerces et les entreprises de services à la personne. Par ailleurs, pour les besoins urgents de trésorerie des entreprises, un guichet de financement d’urgence de 225 milliards de francs CFA a été mis en place, à la faveur des injections de liquidités opérées par la BEAC sur le marché bancaire. De plus, pour toute entreprise en cessation d’activité ou en grande difficulté liée à la crise, un moratoire sur les échéances de dettes envers les banques sans aucune pénalité a été mis en place. Enfin, un guichet fiscal a été dédié aux entreprises citoyennes qui préservent l’emploi et font montre de solidarité et d’exemplarité dans la situation de crise sans précédent que nous traversons.
Ces mesures ont-elles été efficaces ?
- Le département dont j’ai la charge s’est attelé dans le cadre de cette stratégie globale, à inciter les entreprises à souscrire à ces mesures, à les vulgariser et à faciliter les conditions d’exercice du commerce pendant ces temps difficiles. Nous avons mis en place une plateforme interministérielle pour faciliter les approvisionnements et veillé chaque fois que nous le pouvons, à permettre à certaines entreprises d’exercer leurs activités. Je me réjouis d’ailleurs à ce titre que malgré la pandémie, le commerce général ait connu une hausse de son chiffre d’affaires de 3,2 % en glissement annuel soit un montant de 79,5 milliards de FCFA.
Le gouvernement a annoncé, le 30 juin dernier, la réouverture des hôtels et des restaurants mais uniquement les structures disposant d’aménagements en terrasse extérieure ou pouvant recevoir leur clientèle en plein air. Allez-vous poster des agents de forces de police pour faire respecter cette directive ?
- Vous conviendrez avec moi que dans un État de droit, on ne peut pas mettre un policier ou un gendarme derrière chaque citoyen pour faire respecter la loi. La réouverture des hôtels et des restaurants vise à sauver un secteur au bord de l’asphyxie. Elle reste assujettie au strict respect du protocole sanitaire spécifique à ce secteur élaboré par le département ministériel dont j’ai la charge, en étroite collaboration avec les professionnels du secteur. Les responsables des établissements hôteliers ou de restauration sont les premiers responsables de la sécurité sanitaire des clients et de leurs personnels. Obligation leur est donc faite de respecter scrupuleusement ce protocole sanitaire.
Cependant, pour prévenir tout dérapage et surveiller l’application de ce protocole, le département dont j’ai la charge a mis en place un dispositif avec une brigade de contrôle qui aura pour missions principales : assurer le contrôle des établissements hôteliers conformément au protocole sanitaire validé par le gouvernement, en vue de la délivrance de l’attestation officielle d’ouverture ; réaliser des inspections de routine après l’ouverture pour s’assurer du respect des exigences protocolaires et de veiller à l’application des différents protocoles sanitaires liés au secteur tourisme pour la sécurité des clients et des professionnels. Une plateforme numérique (www.formulairehotelsrestaurants.ga) et un contact téléphonique (066 23 41 71) ont été mis en place pour faciliter les demandes d’ouverture et d’autorisation d’exercer.
Pourquoi avoir interdit la réouverture des bars alors qu’elles sont toutes, pour la plupart, aménagées en terrasse ? Mais également des motels qui offrent, globalement, les mêmes services qu’un hôtel classique ? Que répondez-vous à ces tenanciers qui crient à l’injustice ?
- Il n’y a pas d’injustice. Il y a simplement application d’un principe de précaution au regard de la configuration, des services et des risques spécifiques des bars et des motels. L’application des protocoles sanitaires dans ces lieux est plus lourde et demande un effort et une préparation plus soutenus. Cette ouverture est progressive pour tenir compte à la fois des impératifs de santé publique et des enjeux économiques et sociaux. Si les indicateurs continuent à évoluer positivement comme on le voit depuis quelques jours, le gouvernement élargira la mesure. Je demande donc aux entreprises qui sont dans ce cas de s’imprégner des prescriptions du protocole sanitaire et dans une certaine mesure de s’y préparer pour ne pas être surpris le jour où le gouvernement sera amené à élargir cette mesure.
Vous avez géré, avec votre collègue des Solidarités, les donations des différentes entreprises dans le cadre de la Banque alimentaire. À combien peut-on évaluer aujourd’hui la somme de toutes ces contributions en numéraire ? Qu’advient-il aujourd’hui de la Banque alimentaire ?
- La collecte auprès des opérateurs économiques est assurée par le département ministériel dont j’ai la charge par le biais de la Direction générale du commerce. La vérification de la qualité des produits relève de la compétence de l’Agence gabonaise de sécurité alimentaire (Agasa) et la distribution aux ménages est du ressort du ministère en charge des Solidarités nationales. En termes de bilan, l’appel du chef de l’État à la solidarité nationale a eu un écho favorable, élargissant la cible initialement visée. En effet, on enregistre une contribution en dons alimentaires de 83 donateurs correspondant à 840 945 tonnes soit une valeur monétaire de 1 053 179 854 francs CFA. Les principaux contributeurs de la Banque alimentaire se répartissent de la manière suivante : 3 établissements publics ; 3 entreprises parapubliques ; 41 importateurs bénéficiant de l’Agrément vie chère ; 10 entreprises du secteur alimentaire ; 19 entreprises des secteurs non alimentaires ; 2 syndicats ; 2 communautés étrangères ; 1 confession religieuse et 2 particuliers…
Propos recueillis par Maxime Serge MIHINDOU
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