Depuis que le délégué spécial chargé de la gestion de la commune de Libreville, le général Jude Ibrahim Rapontchombo, a procédé, le 17 janvier passé au 3e arrondissement, au lancement de l'opération "Restauration de l'ordre urbain", la capitale gabonaise est devenue une sorte de laboratoire à ciel ouvert où la psychologie occupe une place importante. La mairie, et donc son premier édile, est bien consciente que cette opération est un défi pour elle-même. Parce qu'il faut tenir la cadence. En annonçant - le désordre sur le domaine public était devenu un phénomène -, vouloir donner à la ville un visage plus reluisant, qui répondra mieux aux normes urbaines modernes, l'Hôtel de Ville est sous le feu des projecteurs.
Et pour montrer son sérieux, il communique régulièrement sur les réseaux sociaux et dans la presse. On a ainsi appris que le délégué spécial ne veut pas seulement déguerpir les commerçants installés sur les trottoirs, mais les reloger dans différents marchés municipaux et privés de la commune (Ambourouet-Demba de Louis, Lubin-Martial-Ntoutoume-Obame de Nkembo, Nzang-Nze d'Oloumi, Nzeng-Ayong, Marché Bananes du PK8, celui d'IAI Market, etc.).
Au total, ce sont 1 580 étals de commerce inoccupés qui seraient prêts à accueillir les commerçants installés depuis plusieurs années sur les trottoirs. Sauf qu'à ce niveau, il y a des résistants. Comme à Rio, où des vendeurs ont réinvesti certaines zones ou préfèrent squatter devant la devanture de certains commerces. À Mont-Bouët, il était difficile de sentir hier l'impact de l'opération "Restauration de l'ordre urbain". S'il est vrai que les épaves de voiture qui se trouvaient dans les alentours du Palais des Sports ont disparu, les vendeurs qui occupent le trottoir sont bien présents dans le plus grand marché de la capitale. Au point qu'il était presque impossible, hier, de circuler paisiblement entre les feux tricolores de La Peyrie et la Tour de Mont-Bouët.
Les marchandises étaient revenues sur les trottoirs et débordaient sur la route. La faute à qui ? À des agents municipaux qui ne sont pas prêts à lâcher aussi facilement leurs biftecks. Ils laisseraient les commerçants revenir empiéter le domaine urbain en échange de quelques crédits. Et la mairie de Libreville sait bien que la mentalité de son personnel est un gros frein au succès de sa restauration. C'est pour cela qu'elle écrivait, le 18 janvier passé sur sa page Facebook, que "force est de constater pour le déplorer que plusieurs de ces agents adoptent des attitudes peu recommandables telles que la corruption, une fois en inspection sur le terrain. C’est à ce titre que le général de brigade Jude Ibrahim Rapontchombo a tenu à rappeler que les règles d’éthique et de déontologie doivent être respectées conformément aux textes en vigueur. Et que tout agent qui s’adonnera (encore) à de telles pratiques, s’exposera lui-même aux sanctions prévues par la loi."
Et à regarder le retour des petits opérateurs économiques sur la voie publique, il est évident que ces agents municipaux s'en mettent plein les poches. En attendant, d'autres commerçants ne savent plus où donner de la tête. "Depuis que l'opération a commencé, un huissier et des agents municipaux sont passés dans nos locaux. Nous attendons le retour de la mairie parce que nous ne savons pas si nous devons détruire et reculer les murs ou si nous devons payer une amende", a déclaré, hier, un vendeur de pièces détachées. Il va donc falloir que le délégué spécial mette le bleu de chauffe pour réussir son projet.
Serge A. MOUSSADJI
Libreville/Gabon