Former de manière non conventionnelle, des publics éloignés du numérique et de l’emploi, aux nouveaux métiers du numérique. Créer ainsi un vivier de talents compétents. Trouver des solutions innovantes pour insérer ces talents, en tant que salariés, travailleurs indépendants ou entrepreneurs. Et, ainsi contribuer à réduire le chômage et la précarité. Démontrer que cette jeunesse, que l'on pense désœuvrée, a le potentiel pour contribuer significativement à la transformation de notre pays. Voilà les raisons d'être d'un hub de productivité mis en place par l'ONG Ogooué Labs et dont la première plateforme du genre est actuellement déployée à Bamboo, une micro finance.
Dans une salle au premier étage de l'immeuble abritant la micro finance Bamboo, une quinzaine de jeunes sont concentrés sur leurs ordinateurs. Symphora Ayingone, ancienne étudiante de langues à l'Université Omar Bongo (UOB), et désormais référente digitale, est dans l’équipe. Elle a la charge de créer du contenu textuel et vidéo pour la websérie qui retracera le quotidien de tous ces jeunes en ce lieu.
Les yeux tout aussi posés sur son ordi, Naomi Ngayi vaque à sa tache. La demoiselle, détentrice d'un BTS en comptabilité et aujourd'hui web designer, a la responsabilité, de mettre au point des visuels et autres infographies pour le hub de productivité chez Bamboo. Evodie Mabicka, logisticienne de métier et désormais référente digitale, créera des solutions numériques avec un parcours utilisateur simplifié. Ceverine Élisée Nkoukou Ndzogo est aussi dans l'équipe du O'lo Hub. Son rôle est d’aider à faire en sorte que l’entreprise ait des informations importantes sur sa productivité au quotidien.
Au total, c’est plus d’une quinzaine de jeunes de la 5e promotion de l'École 241, promotion subventionnée par la Caisse nationale d'assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS), qui a pris ses ''quartiers'' en ce lieu dans le cadre de O'lo hub ou le hub de productivité. Ils ont pour mission d’aider le personnel de la microfinance à gagner en efficacité opérationnelle, et de contribuer à améliorer la productivité globale de la microfinance Bamboo, en utilisant les leviers : compétence, processus et produit technologique.
Assistance des mentors locaux et internationaux
Une jeune équipe assistée par des mentors gabonais locaux et des mentors internationaux, dont plusieurs d’entre eux sont membres de la diaspora gabonaise travaillant pour de grandes entreprises françaises. Tous ont accepté d’accompagner bénévolement ces jeunes. Mais, faut-il autant de monde pour aider le personnel à gagner en efficacité opérationnelle ? ''Oui parce que chacun de nous a sa spécialité et plus les points de vue sont différents, mieux et plus vite on pourra atteindre nos objectifs'' argue la jeune Ceverine. Soit ! Mais de quoi parle-t-on concrètement ? Comment tout ceci fonctionne-t-il ? Pour combien de temps et pour quel résultat ?
Il faut cette fois se tourner vers Sylvère Boussamba, fondateur de l'ONG Ogooué Labs qui porte l'École 241, laquelle forme aux nouveaux métiers du numérique et à qui on doit le O'lo hub ou hub de productivité au sein des entreprises.
Au début de l'histoire, explique M. Boussamba, l'École 241 a été créée pour doter le pays d'un vivier de talents dans le numérique. Ce vivier, une fois formé, doit ensuite être inséré tant le défi des organisations est de continuer à faire de la performance dans un monde qui se digitalise de plus en plus. Si jusqu'ici le modèle d'insertion de l'École 241 était d'accompagner les entreprises à développer leurs projets, et de profiter de la notoriété de l’école, ce n'est plus suffisant pour y arriver. D'autant qu'à chaque promotion, l'effectif des apprenants double. Il fallait donc penser, par anticipation, à un autre modèle d'insertion de ces jeunes. D'où le O'lo hub.
Selon M. Boussamba, les entreprises ont des indicateurs business qui leur permettent de piloter les entreprises mais très peu d'indicateurs d'activité ou de productivité pour comprendre comment lesdits indicateurs business sont obtenus.
Pour l’entrepreneur social, l'homme dans l’entreprise apporte ses compétences techniques et non techniques, ses idées qui deviennent des projets et sa force pour produire. Mais est-on capable d'évaluer sa capacité à produire pour qu'on arrive à comprendre comment cela a contribué à l'atteinte des objectifs business, se demande-t-il. Sachant que ''tout ce qui est mesuré et surveillé s'améliore", cite-t-il Bob Parsons, Sylvère Boussamba a donc mis en place cette plateforme capable de remonter des chiffres sur la productivité de l'entreprise. Une plateforme dans laquelle travaillent une équipe d'apprenants de l'école 241 à qui il revient de trouver les solutions dont on parle. '' C'est une opportunité pour l'école d'insérer ses apprenants d'une manière logique. Car piloter un projet numérique aujourd'hui demande de mettre autour de la table entre 5 à 10 rôles''. Des rôles ou compétences auxquelles forme l'École 241.
Créer 10 000 emplois d'ici 2030
Ce qu'il faut savoir c'est que le O’lo hub, hub de productivité est une innovation 100 % gabonaise qui porte la signature de l’École 241. "Cela n’existe nulle part ailleurs en Afrique. C'est une innovation sociale nécessaire pour révolutionner notre manière de mesurer et de piloter la productivité", indique Sylvère Boussamba. Et le O’lo hub a été pensé certes pour accroître la productivité des entreprises, du moins l'efficacité opérationnelle du personnel. Mais il est surtout un moyen d’insérer des jeunes spécialistes issus de l’École 241 et de l’École 241 Business dans le monde du travail. L'école peut ainsi insérer des diplômés sans emploi, mais aussi des profils généralement exclus : les femmes, les personnes vivant avec un handicap, les décrocheurs devenus professionnels du numérique, les sans diplômes adéquats. Tant le recrutement se fait par compétences. Un peu comme l'actuelle promotion dite CNAMGS, qui avait ciblé les Gabonais économiquement faibles (GEF).
Des GEF désormais pétris de compétences. Et d'ici 2030, M. Boussamba veut mettre sur pied 500 hubs de par le pays, entendu que l'effectif des apprenants de l'École 241 va croissant. ''Si on met 20 personnes par hub, on crée 10 000 emplois.'' Le challenge est énorme, mais rien qui fasse peur à Sylvère Boussamba.
À noter que les inscriptions 100 % gratuites, à l'École 241 sont en cours pour accueillir 200 apprenants sur 2 ans, grâce à une coalition d’acteurs (FEG, École 241, Gabon Terre Avenir, la SING, PNPE, Ambassade de France), réunis autour de l’Initiative Jeunesse Autonome. Initiative soutenue et financée par le fonds équipe France de l’Ambassade de France.
Line R. ALOMO
Libreville/Gabon