LE cas de cette jeune femme, affaiblie et diminuée par la maladie et ses mômes autour d'elle, retient l'attention. Prise en charge depuis par le Samu social, elle est toujours dans un état alarmant quoi qu'elle aille nettement mieux. Maintenant qu'elle n'est plus entre les mains ''gratuites'' du Samu, la solidarité nationale va-t-elle se manifester autour d'elle ?
LES trois bambins de Sherille sont au centre Arc-en-ciel pour la protection des enfants en difficulté sociale sis à la Vallée Sainte-Marie à Libreville. Un garçon prépubère et deux petites filles. Ils ont le regard moins hagard, moins perdu aussi pour ceux qui se souviennent d'eux sur cette vidéo devenue virale sur la toile. Ils jouent avec les autres mômes du centre comme tous les gosses du monde qui, ensemble, socialisent sans qu'on ait besoin d'établir entre eux des liens. Réalisent-ils ce qu'il se passe ? Rien n’est moins certain. Au Samu social gabonais, dans une petite chambre bien aménagée, leur mère, Marie-Louise Okome Mezogho (elle y était encore à notre passage le 26 janvier dernier), 31ans, révélée à tous sous le nom de Sherille, dans une vidéo Facebook, lutte contre la grande faucheuse. Elle est toute fluette et même les épais vêtements qu'on lui a enfilés ne lui apportent aucun volume. Elle était couchée, reliée à une bouteille d’oxygène et à des glucosés jaune et blanc. Pour accéder à elle, les équipes du Samu, qui s'activaient autour d'elle prenaient des précautions utiles : double port de masques chirurgicaux, casaques, charlottes. Sherille parle à peine. Chaque mot est entrecoupé d'une quinte de toux qu'elle n'a même pas la force de pousser.
Son histoire, elle la conte avec ses propres mots glanés entre deux quintes de toux. Elle parle d'une tuberculose diagnostiquée, qui a même connu un début de traitement hélas non abouti. ''J'ai arrêté le traitement et c'est comme ça que mon état de santé s'est dégradé.'' Une tante qui l'aidait souvent a commencé à lui fabriquer des décoctions d'écorces. Elle allait un peu mieux, soutient-elle. Et puis, la tante s'est lassée. C'est là où tout a dégringolé pour la jeune femme. La suite de l'histoire est révélée sur les réseaux sociaux grâce à des évangélistes, avec une Sherille ombre d'elle-même, couchée sur un lit avec ses petites filles à ses côtés. Aussitôt informées, les équipes du Samu se sont déployées autour d'elle le 24 janvier passé.
Au final, Sherille, d'après les examens, souffre d'une forme rare de tuberculose en terrain fertile. À son arrivée au Samu, son état général était donc très altéré : déshydratée quoiqu'en bon état de conscience. Elle a aussitôt eu droit à une prise en charge en urgence avec des mesures de réanimation, réhydratation et mise sous oxygène. Au-delà, Sherille présentait à l'époque un taux d'hémoglobine à 2 grammes (une survivante en somme) pour lequel elle avait déjà reçu une poche de sang à notre passage au Samu jeudi dernier. ''Elle sature mieux, respire mieux aussi. Elle n'est plus oxygéno-dépendante. Elle peut désormais s'en sortir. On croise les doigts !'' informe-t-on au Samu qui précise que Sherille a reçu jusqu'ici 5 poches de sang. Et ses enfants, ont-ils échappé à cette forme grave de tuberculose sachant qu'elle vivait avec eux dans une promiscuité qui ne dit pas son nom ? Les examens seraient en cours pour le savoir.
En attendant, Sherille, désormais transférée au centre de santé de Melen, poursuit ses soins, la prise en charge au niveau du Samu ayant atteint ses limites. Sachant que le Samu applique la politique du tout gratuit, maintenant que Sherille est dans un centre hospitalier, et que la jeune femme vivait dans une extrême pauvreté, qui prend en charge les frais ? Comment se fait le relais ? Le Samu soutient jouer le rôle de parent lui fournissant ses trois repas/jour et même des médicaments. Des ONG viendraient aussi en soutien. Mais peut-on présager de tout ? Et si la solidarité nationale emboîtait le pas au Samu et à toutes ces bonnes volontés ?
Line R. ALOMO
Libreville/Gabon