AU milieu de l'embouteillage qui avait commencé à se former dès six heures du matin, une équipe de Clean Africa était hier à pied d’œuvre. Elle s'efforçait de collecter rapidement les ordures qui se trouvaient non loin du Rond-point du PK 12 de Libreville. Comme en ce lieu, des brigades de ladite société étaient présentes dans certains endroits de la capitale. Tentant de donner à la première ville du pays un visage plus avenant. Pourtant, malgré toute la logistique et le personnel déployés sur le terrain, la perception de la population ne change presque pas. Pour elle, Clean Africa ne travaille pas efficacement et est responsable des immondices qui s'accumulent dans la cité. Faux, rétorquent certaines sources : il existe juste un décalage entre la programmation de cette société (les heures de passage des camions-bennes dans les quartiers, ndlr) et les populations inciviques qui ne respectent pas les horaires.
De son côté, la mairie de Libreville tente d'accompagner Clean Africa pour venir à bout de l'insalubrité ambiante. Le lundi 18 septembre passé, le délégué spécial en charge de la gestion de la mairie de Libreville, le général de brigade Judes Ibrahim Rapontchombo, avait effectué une première mission de terrain dans les locaux de la société précédemment mentionnée et la décharge de Mindoubé. Dithyrambique, son service communication avait annoncé la mise à disposition effective des bacs à ordures. "De fait, 600 bacs seront répartis, dès ce jour, selon une planification entre Clean Africa et les services municipaux dans la capitale librevilloise afin de contribuer davantage à une meilleure gestion des ordures ménagères, voire de la propreté de la ville". Le problème est que les Librevillois ont du mal à en voir les premières retombées.
En 2019, la production journalière moyenne de déchets était estimée à 388 tonnes. Ce chiffre aurait doublé en 2021 puisque Libreville aurait produit chaque jour 600 tonnes de déchets. Il est en moyenne, pour l'année en cours, selon les estimations, de 700 tonnes au terme d'une journée. Cette augmentation du tonnage, qui va de pair avec celle de la population dans le Grand Libreville, a pour conséquence la création de poubelles reconnues par les sociétés de ramassage et les dépotoirs sauvages. À Belle-Vue 1, près de l'échangeur de la gare routière et du carrefour Léon-Mba, à côté de l'école d'application d'Akébé 1 où une partie d'une poubelle irrégulière s'épanche sur la route ou au carrefour la Nation à Belle-Vue 2, etc., la scène était hier la même. C'est-à-dire que les détritus ont fait des jours sans être ramassés par les services compétents et ont été emportés par la pluie (les intempéries des derniers jours ont même fait ressurgir les détritus de nombreux caniveaux, entre autres). Au point que chaque centimètre de goudron ou le plus petit cours d'eau est envahi par les plastiques et les immondices.
En d'autres termes, malgré des efforts notables, la capitale est sale et les pouvoirs publics semblent à court d'idées. Pourtant, pour contrer l’incivisme des populations (qui constitue l’une des causes d’insalubrité), Christine Mba Ndutume, alors locataire de l'Hôtel de Ville, avait, en octobre 2022, pris un arrêté pour punir toute personne qui jetait ses ordures en dehors des heures convenues d’une amende allant de cinq cent (500) à cinquante mille (50 000) francs CFA. Une idée qui a été un flop au regard de la situation qui est hors de contrôle. Était-elle absurde ? Pas tant que ça. La mairie de Kigali, qui est présentée aujourd'hui comme la ville la plus propre du continent, avait eu une idée similaire. Elle punit les indélicats d'une amende allant de 10 à 100 dollars (soit de 5 000 à 50 000 francs CFA).
Il y a aussi des travaux d'intérêt général, une mise en avant des mobilités douces avec service de vélos en libre-service ou des journées sans voiture dans sa besace. La capitale gabonaise, par son incapacité à définir un plan de bataille clair, est en train (pour paraphraser la voix off du dessin animé Spectreman diffusé dans les années 80) de perdre, pour le moment, la bataille contre l'un de ses ennemis : les immondices.
Serge A. MOUSSADJI
Libreville/Gabon